Guide lactate : comprendre, tester et utiliser (running, trail, cyclisme et triahtlon)
- Simon Tissier

- 8 sept.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 oct.
Cet article propose une mise au point claire, exigeante et utile sur le lactate pour les coureurs route, traileurs, cyclistes et triahtlètes de la communauté Ibex. Vous y trouverez les bases physiologiques, les différentes « zones lactate » réellement exploitables, des protocoles terrain (avec ou sans lecteur), des cas d’usage selon votre discipline et votre niveau, ainsi que les limites à connaître pour ne pas sur‑interpréter vos données.

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1. Lactate : de quoi parle‑t‑on vraiment ? 🧪
Lactate ≠ acide lactique : en physiologie humaine, on parle de lactate (ion) produit lors de la glycolyse. L’ambiance « acide » des efforts intenses vient surtout des ions H⁺ libérés dans d’autres réactions.
Production / clairance : le lactate est formé dans les fibres actives et recyclé comme carburant par d’autres fibres (oxydatives), le cœur, le foie (cycle de Cori). Ce lactate shuttle est permanent : même à faible intensité, un flux existe.
Pourquoi il monte ? Quand l’intensité dépasse la capacité oxydative instantanée (et/ou quand l’activation sympathique est forte), la production > clairance → lactate sanguin ↑.
À retenir : le lactate n’est pas un déchet à évacuer ; c’est un carburant et un signal d’activation métabolique.
2. Seuils, MLSS, « zones » : sortir de la confusion 🧑🏼🔬
Lactate threshold 1 (LT1) / Seuil aérobie (≈ premier virage) : premier point d’élévation nette du lactate par rapport au repos (méthodes usuelles : +0,5 à +1,0 mmol·L⁻¹ ou changement de pente).
Lactate threshold 2 (LT2) / Seuil anaérobie (≈ deuxième virage) : intensité où la montée du lactate devient exponentielle (changement de pente marqué) ; proche mais non équivalente à 4 mmol·L⁻¹ (OBLA).
MLSS (Maximal Lactate Steady State / État stable maximal du lactate) : plus haute intensité soutenable avec lactate stable (∆ < 1 mmol·L⁻¹ entre 10 et 30 min). C’est le meilleur repère « terrain » pour les efforts de 30–60 min.
FTP / Puissance critique / Vitesse critique : corrélés au domaine « sévère » et au voisinage du MLSS, mais pas synonymes. L’écart dépend du protocole, de la discipline et de l’athlète.
Pour vous aider à vous repérer :
Concept | Lactate | Gaz (ventilation) | Domaine |
Seuil 1 | LT1 | SV1 | Modéré ↔ Lourd |
Seuil 2 | LT2 | SV2 | Lourd ↔ Sévère |
Soutenable ~30-60’ | MLSS | ≈ juste sous SV2 | Haut du domaine lourd |
Proxy terrain | FTP / CP / CV | — | Domaine sévère |
Mise en garde : limites de la transposabilité LT ↔ SV
Bien que les seuils lactates (LT1, LT2) et les seuils ventilatoires (SV1, SV2) soient souvent utilisés de manière interchangeable, il est important de rappeler :
Deux systèmes de mesure différents
Les seuils lactates reposent sur l’analyse sanguine (biomarqueur métabolique).
Les seuils ventilatoires reposent sur les échanges gazeux (réponse respiratoire).👉 Ils reflètent des adaptations physiologiques liées mais pas identiques.
Variabilité individuelle
Selon la génétique, le niveau d’entraînement, la technique respiratoire ou l’efficience métabolique, LT1 peut être situé légèrement plus bas ou plus haut que SV1, idem pour LT2 vs SV2.
Chez certains athlètes, les courbes lactates et ventilatoires sont bien superposées ; chez d’autres, l’écart est marqué.
Influence du protocole
La vitesse d’incrémentation (palier court vs long) modifie la détection des seuils.
Les méthodes d’identification (2 mmol/L, 4 mmol/L, changements de pente, équations ventilatoires, etc.) donnent des résultats différents.
Conséquence pratique
On peut utiliser LT1≈SV1 et LT2≈SV2 pour définir les zones d’entraînement de manière pragmatique.
Mais cela reste une approximation : seule une mesure directe (analyse lactate ou ergo-spirométrie complète) permet de déterminer précisément les seuils.

Pour comprendre les différentes zones d'intensité
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3. Mesurer le lactate : labo, terrain, ou… sans lecteur 🩸
3.1 Lecteur portable (terrain)
Matériel : lecteur (ex. Lactate Pro/Scout), bandelettes, lancettes, lingettes alcoolisées.
Site : earlobe (lobe d’oreille) ou pulpe du doigt bien chaud. Nettoyer, essuyer la 1ʳᵉ goutte, mesurer sur la 2ᵉ.
Standardisation :
pas d’entraînement intense 24–48 h avant un test de profil,
pas d’alcool la veille,
hydratation normale,
conditions environnementales stables.
Erreurs fréquentes : contamination à la sueur, doigts froids (vasoconstriction → valeurs faussées), timing trop court des paliers.
3.2 Sans lecteur : des proxys fiables
Ventilation / conversation :
< LT1 : conversation aisée, nasal OK ;
≈ LT2/MLSS : phrases courtes ;
> LT2 : mots isolés.
Fréquence cardiaque : utile si baseline stable (sommeil, stress, chaleur) ;
Puissance (cyclisme) / Allure (running) : croiser avec RPE.
DFA‑α1 (si capteur RR propre) : α1 ≈ 0,75 ~ seuil 1 ; α1 ≈ 0,5 → proche du domaine sévère.

4. Protocoles de test terrain (running, trail, cyclisme)
4.1 Test incrémental par paliers (profil lactate)
Principe : paliers de 3–5 min, incrément d’allure/puissance constant (ex. +0,3 m·s⁻¹ running ; +20–25 W cyclisme). Mesure lactate à la fin de chaque palier (dernière minute).
Cibles : obtenir 6–10 points pour tracer une courbe robuste ; s’arrêter quand lactate > 6–8 mmol ou RPE très élevé.
Analyse : chercher
LT1 : 1er changement de pente (ou +0,5–1 mmol vs baseline),
LT2 : 2ᵉ changement de pente marqué,
MLSS estimé : palier juste sous l’emballement.

4.2 Confirmation MLSS (optionnelle)
2–3 essais constants de 30 min à la puissance/allure visée. Lactate stable (∆ < 1 mmol entre 10′ et 30′) → validé ; sinon, descendre de 2–3 % et retester.
4.3 Adaptations discipline
Trail : privilégier tapis inclinable (3–8 %) ou terrain « piste en côte » régulier ; garder la même pente entre les tests.
Cyclisme : home trainer avec ventilation et calibration de la puissance ; cadence constante.
5. Utiliser le lactate pour s’entraîner mieux
Domaine | But principal | Indices physiologiques | Exemples d’application |
< LT1 (domaine modéré) | Construire l’endurance de base, récupérer | Lactate bas (~1–2 mmol), ventilation aisée | Sorties Z1/Z2, rando‑course, vélocité, technique |
Autour de LT1→LT2 (tempo/umbral) | Étoffer la « zone utile » | Clairance ↑, économie, tolérance | Tempo prolongé, sweet‑spot cyclisme, tempo vallonné |
≈ MLSS / juste en‑dessous | Repousser la soutenabilité | Production≈clairance | Blocs seuil (20–40′ cumulés) |
> LT2 (domaine sévère) | Capacité glycolytique, VO₂ peak | Lactate haut, H⁺ ↑, stress fort | Intervalles courts/longs, côtes dures, PMA |
6. Nutrition, chaleur, altitude, variabilité : ce qui influence la production de lactate
Disponibilité glucidique : glycogène bas → lactate plus faible à intensité donnée (moins de glycolyse) mais tolérance à l’intensité réduite ; réservez les séances « low » pour l’endurance sous LT1.
Caféine : peut augmenter la puissance/allure à MLSS et déplacer la courbe ; standardisez vos prises.
Chaleur : catécholamines ↑ → lactate ↑ et HR ↑ ; réduisez l’intensité au début de l’acclimatation.
Altitude : au début, lactate ↑ à charge absolue identique ; s’atténue avec l’acclimatation.
Jour‑à‑jour : variations normales de 0,5–1,0 mmol ; interprétez la tendance.
Limites, erreurs courantes et bonnes pratiques
Protocoles hétérogènes : comparer deux profils réalisés avec paliers différents n’a aucun sens.
Mauvais sampling : main froide, première goutte non essuyée, contamination sueur = valeurs fantaisistes.
Fixations sur 4 mmol : c’est pratique, pas personnel. Évitez les décisions binaires sur un seuil fixe.
Séances « seuil » trop fréquentes : risque de fatigue résiduelle ; la base se construit sous LT1.
Blessure / maladie : le lactate n’est ni diagnostic ni feu vert. Sans repères cliniques (douleur, sommeil, RPE), ne pas décider avec la seule lactatémie.
Utilisation dans le coaching Ibex (à distance)
Pourquoi nous n’utilisons pas le lactate en routineNotre accompagnement est 100 % à distance. Sans présence sur place, il est difficile de maîtriser les protocoles (échauffement standard, durée des paliers, calibration puissance/allure, température des mains, essuyage 1ʳᵉ goutte, timing de mesure, hygiène du site). Ces détails font varier la lactatémie et peuvent conduire à des décisions faussées.
Ce que nous utilisons au quotidien :
Zones de FCmax : repères simples, efficaces pour la base et les sorties d’endurance, avec surveillance de la dérive cardiaque.
PMA / FTP (cyclisme) et VMA (running) : issues de tests terrain standardisés (rampe/20′ pour le vélo ; VAMEVAL/demi‑Cooper pour la course).
RPE (0–10) et talk test : garantissent l’ajustement fin séance par séance, en intégrant sommeil, stress, chaleur, altitude.
Calage initial des zones (procédure type)
Test VMA (VAMEVAL ou demi‑Cooper) et/ou test PMA/FTP (rampe ou effort soutenu).
Détermination FCmax via montée progressive sécurisée.
Construction des zones conservatrices, puis ajustement sur 2–3 semaines selon RPE, dérive FC et récupération.
Ce que ça change pour vous :
Pas de lactate « au quotidien » = des séances plus lisibles et comparables semaine après semaine.
Des zones ancrées sur des tests simples (FCmax, VMA/VC, PMA/FTP) et ajustées par vos sensations (RPE) et la dérive cardiaque.
Une planification durable : progrès sans sur‑fatigue, avec des règles claires avant/pendant/après séance.
Le lactate reste un outil ponctuel à forte valeur… quand il est encadré.
Prêt•e à progresser durablement ?
Prendre rendez-vous avec un entraîneur Ibex outdoor permet de découvrir comment un accompagnement individualisé peut accompagner la progression.




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